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La confiance créative made in Frog Valley


"Pas besoin de déménager à la Silicon Valley pour être créatif et changer le monde " nous rappelle David Kelley, le fondateur de la d.school de Stanford. And he's right. Le Design Thinking est pratiqué à la Frog Valley et ailleurs par les innovateurs depuis des générations. En témoigne l'histoire de cet entrepreneur breton. Souvenons-nous...

Nous sommes en 1963, en juillet. Tous les matins, sur le port breton de Concarneau, un homme s'affaire auprès des pêcheurs de retour d'Afrique. "Alors t'en dis quoi ? Ça a tenu cette fois ? ". Les hommes, sans interrompre la dance du déchargement, marmonnent entre eux : "Ouai, c'est beaucoup mieux que la dernière fois ! Au moins les coutures des pantalons ont pas lâché. Mais t'as encore du boulot si tu veux équiper tous les thoniers avec ta toile cirée indéchirable." Celui qui écoute les remarques avec attention s'appelle Guy Cotten. Il représente alors les cirés Cornic. Et en une saison à trainer sur les quais, il a appris trois leçons majeures : "savoir observer sur le terrain et écouter, adapter sans relâche son offre aux besoins de son client et cultiver le sens du service".

L'année suivante, fini le coton huilé, les pêcheurs du port de la Ville Close reprennent la mer avec leur équipement Cotten en toile cirée aux coutures soudées. Trois mois seulement après la décision de Robert Cornic de ne pas poursuivre l'activité de cirés, Guy Cotten, avec l'aide de sa femme Françoise, ancienne couturière à la voilerie Le Rose, a décidé de prendre la relève. Il a monté son atelier avec une machine à coudre, une machine à souder, une coupeuse, le tout payé avec un emprunt bancaire. Quand il passe sur les quais, les pêcheurs le hèlent depuis les ponts des chalutiers pour essayer les nouveaux prototypes. Le 1er juin 1964, ils sont là pour l'ouverture du magasin rue Adigard à deux pas du port. Guy Cotten a 28 ans. Il a charge de famille, le soutien sans faille de sa femme dans sa nouvelle entreprise et une approche créative de son nouveau business : "empathiser" avec les pêcheurs pour mieux comprendre leurs besoins et leurs comportements, prototyper, tester et commercialiser.

Pour garder la clientèle, en plus de sa propre production, Guy propose aux pêcheurs de réparer les vieux cirés de la concurrence. Double gain. Les clients sont contents et les couturières peuvent observer tout à loisir les défauts des produits concurrents : une bretelle qui ne tient pas, des boutons en plastique qui cassent... Guy corrige les erreurs de la concurrence et apprend des siennes comme la fois où voulant permettre aux marins corpulents de faire de larges gestes sans être gênés, il les affuble de pantalons extra larges et plein de fentes. À la première sortie en mer, le couperet tombe : pas un pantalon n'a tenu la marée ! Exit l'extra large.

Forts des enseignements observés sur les produits concurrents et des séries de tests en grandeur réelle lors des saisons de pêche en haute mer, les cirés Guy Cotten commencent à tenir la dragée haute à la concurrence. Jaunes, pour être plus visibles en mer, les articles Cotten habillent le marin : cotte à bretelle, vareuse, tablier, pantalon simple... Les pêcheurs se passent le mot. Ils aiment le tissu souple, léger et réparable et qui ne se déchire pas.

Deux ans après l'ouverture du magasin, on agrandit l'atelier et part à la conquête de la péninsule bretonne de port en port. En bon design thinker, Guy Cotten s'attaque à la marque The Fisher qui détient la quasi-totalité du marché avec la détermination du "Petit Poucet", pierre après pierre. Le représentant Fisher affiche son indifférence à qui lui parle du nouveau venu, le petit fabriquant concarnois : "t'inquiète, c'est une goutte d'eau dans l'océan". Par la qualité, le respect de ses engagements, et son empathie légendaire pour ses clients, l'entreprise Cotten assoit petit à petit sa réputation. Guy Cotten avale les kilomètres pour aller à la rencontre des distributeurs et s'attaque aux écoles de voile. Embarqué sur le zodiac du moniteur, il étudie les comportements des skippers stagiaires sur les dériveurs, tous habillés de vareuses que l'on enfile par la tête. Quand ils dessalent, c'est la galère ! Impossible de s'en débarrasser dans l'eau. Guy et sa femme créent la veste hermétique avec fermeture à glissière et double velcro, la "Rosbras". On la teste, une fois, deux fois, dix fois... Après plusieurs expérimentations, les skippers confirment. La Rosbras s'avère 100% étanche. En mai 68, la Rosbras quitte les flots pour rejoindre le bitume des défilés sur les épaules des manifestants. Les ventes décollent.

En 1974, la marque Guy Cotten se signe. Alain Le Quernec, professeur d'arts plastiques au lycée Brizeux de Quimper, dessine un logo jaune et noir qui se voit de loin. Indécis, Guy Cotten se donne deux ans pour le tester. Aujourd'hui, ce logo a fait le tour du monde, porté par des noms illustres, il est au rendez-vous des tous les grands événements maritimes et crève l'écran sur toutes les émissions télévisées. "Plus de 10 millions de petits bonshommes jaunes parcourent les mers" nous rappelle Claude Ollivier, le biographe de l'entrepreneur. D'une très grande lisibilité, il est devenu une Lovemark pour des milliers d'aficionados de la mer.

Depuis sa création, pêcheurs, navigateurs, vendeuses à la criée, tous les professionnels de la mer n'ont cessé de contribuer à l'amélioration des vêtements Cotten sous les questionnements incessants de Guy qui, jusqu'à son décès en 2013, à chaque rencontre les pressaient de répondre : "Alors c'était comment pendant la course ? Qu'est-ce qui t'a manqué sur le gilet ? T'as pas eu froid au niveau du ventre ?". Un an avant sa mort, Guy réduit la condensation dans ses cirés et tabliers: inspiré du système du double vitrage, il glisse une membrane entre la toile du ciré et le renfort intérieur. Le vêtement respire, les hommes aussi. Le produit Isolatech est plébiscité en Europe du Nord.

Empathie, co-création, prototypage pour expérimentation, développement agile, la marque Guy Cotten reste l'un des plus beaux exemples de l'innovation par le design empathique. Ceux qui ont confiance en leur créativité ont un impact important sur le monde qui les entoure. Guy Cotten, fils de paysan, a puisé dans sa confiance créative et transformé à jamais le monde de la mer. Inspirant.

Pour en savoir plus sur Guy Cotten : Guy Cotten, le soleil sous la pluie. Claude Ollivier. Ed. Ouest-France. 2011

Pour en savoir plus sur le Design Thinking : La Confiance Créative, tous innovateurs avec le design thinking. Tom & David Kelley, Interéditions. 2016

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